Ah, Nantes… son château des Ducs de Bretagne, ses machines extraordinaires, ses bords de Loire ventés d’air marin et, bien sûr, ses gourmandises qui fleurent bon le terroir et la tradition. Parmi ces délices, tout le monde connaît le célèbre Petit Beurre LU ou encore le berlingot nantais, ce petit losange acidulé aux couleurs vives qui faisait briller les yeux des enfants à la sortie de l’école. Mais il est une autre sucrerie, un peu moins connue, qui mérite pourtant sa pleine place dans le panthéon des douceurs de l’Ouest : la Rigolette Nantaise.
Un nom qui miaule de tendresse
La Rigolette Nantaise n’est pas née par hasard. Son histoire remonte à 1902, lorsqu’un certain Charles Bohu, confiseur passionné installé au cœur de Nantes, décide de créer un bonbon qui pourrait rivaliser avec le berlingot, alors star des confiseries locales. Mais Charles ne veut pas d’un simple bonbon dur et coloré : il veut innover, surprendre, séduire les papilles avec une recette inédite.

C’est ainsi qu’il imagine une confiserie qui mêle deux textures : une coque croquante à l’extérieur, un cœur fondant à l’intérieur. Une gourmandise qui éclate en bouche, libérant une pulpe de fruit délicatement sucrée. Le tout sans colorants ni arômes artificiels, avec de véritables fruits, bien mûrs, bien choisis.
Mais pourquoi ce nom si singulier “Rigolette” ? Parce qu’il s’agissait tout simplement du nom de son chat ! Un petit félin sans doute espiègle et câlin, comme la confiserie qu’il a inspirée. C’est dire si Charles Bohu voulait mettre un peu de tendresse dans son bonbon.
Une palette de saveurs fruitées
À sa création, la Rigolette se décline en cinq parfums originaux : citron, mandarine, framboise, ananas et cassis. Des fruits à la fois doux et acidulés, choisis pour leur vivacité en bouche et leur pouvoir évocateur de voyages lointains ou de vergers en fleurs. Contrairement aux confiseries industrielles, chaque rigolette est cuite à feu doux, puis fourrée à la main avec une compote de fruits écrasés.
La texture est unique : la coque dure craque sous la dent, puis vient le fondant du cœur moelleux, parfumé à souhait. Une expérience sensorielle à part entière, où les textures et les arômes dansent ensemble comme les vagues sur la Loire.
Dès sa sortie, la Rigolette fait mouche. Le public nantais l’adopte immédiatement, et très vite, elle devient la confiserie emblème de Nantes que les visiteurs ramènent dans leurs bagages. Il faut dire que le bonbon est aussi joli que savoureux. Présentée dans la belle boîte ronde aux motifs fruitiers de 1902, elle devient un cadeau apprécié, une attention délicate pour les goûters d’enfants comme pour les cafés entre amis.
De génération en génération, la recette est jalousement préservée, transmise avec soin, dans un souci de respect du savoir-faire traditionnel. Même lorsque les bonbons industriels envahissent les rayons, la Rigolette tient bon, fidèle à son héritage artisanal.
En danger puis sauvée

Mais comme beaucoup de trésors gourmands, la Rigolette a connu des jours plus sombres et a failli disparaitre. En janvier 1985, la confiserie de Charles Bohu ferme ses portes, emportée par les mutations du secteur et la montée des grandes surfaces. Les amateurs s’inquiètent : la Rigolette va-t-elle disparaître à jamais ?
C’était sans compter sur la passion d’un artisan, qui reprend la maison Bohu en 2003 et relance la production avec les outils d’époque et la recette originale. Située rue de Verdun, à deux pas de la place Graslin, la boutique renaît de ses cendres et s’appelle désormais « Les rigolettes nantaises ». Aujourd’hui, c’est le seul endroit où l’on peut trouver les véritables Rigolettes Nantaise, élaborées dans le respect des gestes d’antan, à la main, et avec des ingrédients naturels.
Des parfums sans cesse renouvelés
Si les parfums d’origine restent les plus prisés, la Maison s’est aussi autorisée quelques audaces, tout en gardant l’âme du bonbon intacte. Ainsi, on peut aujourd’hui découvrir des variantes plus contemporaines : à la fleur, aux fruits exotiques, ou encore caramel beurre salé — clin d’œil délicieux à l’autre grande spécialité de la région.
Le tout toujours sans colorants, sans conservateurs, et avec un fort taux de fruit. Oui, vous avez bien lu : ce bonbon n’est pas qu’une sucrerie, c’est aussi un petit concentré de fruit à croquer !
Une expérience à croquer
Visiter Nantes sans goûter une Rigolette, c’est comme visiter Paris sans voir la tour Eiffel.
La boutique de la rue de Verdun propose les confiseries à l’unité ou en coffret. Côté extérieur, la devanture est sublime, l’intérieur est féerique pour les yeux et encore plus pour les papilles. Et pour ceux qui n’auraient pas la chance de se rendre sur place, pas de panique : les rigolettes sont aussi disponibles en ligne via la boutique officielle, avec livraison partout en France.
Aujourd’hui, la Rigolette fait partie intégrante du patrimoine culinaire nantais et figure en bonne place dans les circuits touristiques et les guides gastronomiques. Elle plaît aux touristes curieux, aux nostalgiques du goût d’enfance, mais aussi aux gourmets à la recherche de douceur authentique. Un bonbon qui traverse les âges sans jamais prendre une ride, et qui prouve que la tradition, quand elle est bien faite, peut rester résolument moderne.
Alors si vous passez par Nantes, ne partez pas sans avoir glissé dans votre poche quelques rigolettes. J’ai personnellement un faible pour ce délicieux bonbon qui ne pèse rien, mais raconte tout : l’histoire d’un artisan passionné, d’un chat malicieux, d’une ville attachée à son patrimoine… et surtout, l’amour du bon goût.
Véronique, 5 avril 2025