Cette plante aux qualités si particulières puisque c’est grâce à elle que le sucre s’est propagé partout dans le monde, a eu une histoire très mouvementée : lors de ses voyages, elle a pu être bienfaitrice tout comme à l’origine du mal le plus absolu. Mais d’abord, remontons aux sources…

La canne à sucre est originaire de Nouvelle-Guinée. Elle s’est progressivement répandue en Indochine et en Inde (-6000 avant JC) puis a atteint la Chine et la Perse.

Découverte par Alexandre le Grand

Le premier contact avec les occidentaux se fait avec les conquêtes d’Alexandre le Grand. On le sait car la plante est mentionnée pour la première fois en Occident par Néarque, lieutenant d’Alexandre le Grand, en -325 avant JC. Celui-ci explorant la mer des Indes et la vallée de l’Indus, la découvre et la décrit comme un “roseau qui donne du miel sans le concours des abeilles”.

Détail de la mosaïque d’Alexandre découverte à Pompeimusée archéologique de Naples.

Le monde grec apprend alors l’existence du sucre de canne, mais le produit reste extrêmement rare et sa consommation très peu développée. Dans l’Antiquité, seuls quelques auteurs en font mention :

Le philosophe romain Sénèque (-1, 65 après JC) parle de la canne à sucre en ces termes : «On aurait découvert en Inde du miel sur des feuilles de roseau. Celui-ci proviendrait soit de la rosée, soit de l’épaississement de la sève».

L’écrivain et naturaliste romain Pline l’Ancien (23 – 79 après JC) dans son Histoire Naturelle : «L’Arabie produit certes du saccheron (sucre), mais celui provenant d’Inde est plus célèbre»

Le médecin grec Dioscoride (vers 40) dans l’ouvrage de pharmacologie  De Materia Medica : «Le sel des Indes est une substance présentant l’aspect des cristaux de sel, blanchâtre et friable, issue d’un roseau poussant dans les bienheureuses contrées d’Arabie et dont le goût n’est pas sans rappeler celui du miel».

Diffusée par les Arabes

Pendant longtemps, la culture de la canne reste limitée géographiquement. Entre le 4e et le 7e siècle, elle s’effectue essentiellement dans le delta de l’Indus et le Golfe Persique.

A partir du 7e siècle, les Arabes la découvrent à leur tour en Perse et la répandent sur le bassin méditerranéen au rythme de leurs conquêtes : la Palestine, puis, au 8e siècle, la Syrie et l’Egypte où les plantations se multiplient le long du Nil.

La canne à sucre est ensuite introduite en Sicile alors sous influence musulmane (9e) mais a plus de difficultés à s’implanter au Maghreb (10e) et dans le royaume arabo-andalou du sud de l’Espagne (11e siècle).

Dans cette dernière contrée, ce n’est que dans quelques endroits humides où l’irrigation est possible, qu’elle pourra être acclimatée et cultivée avec quelques succès.

Arrivée de marchands à Ormuz, extrait du livre des Merveilles, 1412 BnF

Ramenée des croisades en Europe chrétienne

Totalement oubliée durant le haut Moyen Âge, si l’on en juge par son absence de la pharmacopée, la canne à sucre est redécouverte par les croisés lors de la première croisade (1095-1099).

Foucher de Chartres serait le premier occidental à la décrire fin 1099, alors qu’il se trouve entre Baniyas et Tripoli (les deux villes sont aujourd’hui en Syrie et en Lybie) :

“Et nos vivres s’épuisant chaque jour un peu […/…] Mais il y avait alors, dans les champs cultivés que nous traversions en passant, des récoltes que l’on nomme en langue vulgaire “cannes à miel” et qui sont presque semblables à des roseaux. Des affamés, à cause de leur saveur miellée, en ruminaient entre leurs dents toute la journée, bien que cela fût peu utile.”

Vers les Amériques

Pendant tout le haut Moyen-Âge, les villes marchandes italiennes, en particulier Venise et Gênes, se livrent aux commerces du sucre de Canne avec l’Orient. La main d’œuvre pour les plantations est à l’époque constituée d’esclaves caucasiens : les Slaves. Mais en 1453, la chute de Constantinoble coupe brutalement les circuits orientaux d’approvisionnement en sucre.

Les Européens doivent trouver d’autres moyens de s’approvisionner. Au début du 16ème siècle, ils exportent la canne à sucre aux Antilles et au Brésil. Commence alors le commerce triangulaire : des millions d’Africains seront déportés et transformés en esclaves.

Pour en savoir plus sur le lien entre production du sucre et esclavage, je vous recommande l’excellente WEB SÉRIE « Il était une fois le sucre / de l'esclavage à l'engagisme » : https://la1ere.francetvinfo.fr/web-serie-il-etait-une-fois-le-sucre-de-l-esclavage-a-l-engagisme-890200.html

Sources :

  • BIRLOUEZ (Eric) Une brève histoire du sucre et du sucré
  • BARCELO (Carmen) et LABARTA (Ana) Le sucre en Espagne (711-1610) [article], Journal d’agriculture traditionnelle et de botanique appliquée Année 1988
  • OUERFELLI (Mohamed) «Les migrations liées aux plantations et à la production du sucre dans la Méditerranée à la fin du Moyen-Âge», Actes du colloque de Conques (octobre 1999), éd. Michel BALARD et Alain DUCELLIER, Paris, 2002, pp. 491-492.
  • OUERFELLI (Mohamed) La production du sucre en Méditerranée médiévale.
  • RADT (Charlotte) Aperçu sur l’Histoire de la Canne à sucreJournal d’agriculture traditionnelle et de botanique appliquée Année 1970
  • WEB SÉRIE « Il était une fois le sucre / de l’esclavage à l’engagisme 

Véronique, le 15 mai 2022

L’épopée de la canne à sucre

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